L’immortalité d’Hercule
Pendant que se produisaient ces événements, Jupiter était sans doute occupé par l’une de ses aventures galantes, car, lorsqu’il fut informé, Hercule était déjà mort. Le maître de l’Olympe rattrapa vite le temps perdu. Il commença par punir Neptune de sa sournoise intervention en le chassant de l’Olympe, comme il en avait déjà chassé Apollon quelques mois plus tôt. Puis il chargea Mercure, qui lui servait de conseiller juridique, de déclencher, en faveur d’Hercule, une procédure d’immortalisation.
Cette procédure permettait, dans certains cas tout à fait exceptionnels, de conférer l’immortalité à des demi-dieux, c’est-à-dire à des personnes ayant un parent divin et l’autre mortel ; elle avait déjà été utilisée à plusieurs reprises, notamment pour Bacchus, fils de Jupiter et de la mortelle Sémélé. La promotion d’Hercule fut moins éclatante que celle de Bacchus : il ne reçut pas la distinction suprême de dieu, mais il se vit néanmoins attribuer l’immortalité.
Quelques mois après sa mort, il fut donc reçu solennellement dans l’Olympe. Il causa une impression favorable à tous ses habitants, et tout particulièrement à Hébé, fille de Jupiter et de Junon, qui tomba bientôt amoureuse de lui. Hébé, je crois Vous l’avoir déjà dit, était une déesse modeste et effacée dont la seule fonction consistait à servir le nectar aux dieux. Avec l’accord de Jupiter, elle épousa Hercule.
Pour quelqu’un qui, comme Hercule, avait un goût immodéré pour la boisson, il n’était pas recommandé d’épouser une barmaid, même divine ; ayant accès en permanence à la cave de l’Olympe, Hercule ne tarda pas à sombrer dans l’alcoolisme, ou si l’on préfère dans le nectarisme. Pour le sauver de ce vice, Hébé demanda alors à Jupiter à être relevée de ses fonctions de serveuse de nectar. Jupiter y consentit et la remplaça à ce poste par un jeune et beau Troyen, Ganymède, qu’il fit enlever par son aigle et à qui il accorda aussi, en contrepartie, l’immortalité.
Avec la mort de Thésée et d’Hercule, une époque s’achevait. Mais plusieurs des personnages qui avaient été témoins de leurs exploits vivaient encore et allaient devenir des acteurs de premier plan dans la seconde partie de ce siècle héroïque.
Hélène, qui avait été enlevée une première fois par Thésée, n’avait pas encore vingt ans lorsqu’elle apprit la mort de son ancien ravisseur ; Philoctète, qui avait assisté Hercule sur son bûcher, n’avait alors guère plus de trente ans ; quant à Nestor, qui avait bien connu les deux héros et qui avait participé activement à plusieurs de leurs aventures, il atteignait juste la soixantaine, mais se sentait encore en pleine forme : le long discours qu’il prononça à l’occasion de son anniversaire commençait par ces mots :
— Au moment où se termine la première moitié de ma vie…